Un bel exemple de l’utilisation de l’hypnose au CHU de Rouen. L’article aborde notamment la place de l’hypnosédation au bloc opératoire ainsi que les nombreuses autres indications de l’hypnose à l’hôpital.
Dans une chambre du service de chirurgie ambulatoire de Charles-Nicolle, Philippe Weber a revêtu la tenue bleu marine des patients. L’homme est venu de région parisienne pour se faire opérer des varices. « Sur les deux jambes, précise-t-il d’emblée, ce qui n’aurait pas été possible si l’opération n’avait pas été faite sous hypnose ». Hypnose, le mot est lâché. À l’opposé de l’hypnose de spectacle, l’hypnose médicale est un état de conscience naturelle qui permet certaines opérations chirurgicales sans anesthésie générale. Anesthésie locale et sédation légère viennent en complément de l’hypnose pratiquée par une infirmière ou un médecin anesthésiste formés.
Le patient arrive debout pour être opéré
« On m’a parlé dès le début de la procédure de l’hypnose », témoigne Philippe Weber. « Je ne voyais pas le rapport ! ajoute-t-il en souriant. Mais j’ai vite accepté. Quand je suis entre les mains du corps médical, je dors ». Visiblement très réceptif à l’hypnose, Philippe est préparé quelques minutes avant l’opération par l’infirmière anesthésiste Agnès Jennat, qui va le suivre pendant toute l’intervention.
À l’initiative de Delphine Provost, médecin anesthésiste, l’hypnose a fait son entrée dans les blocs en 2015 au CHU de Rouen.
Petit à petit, les différentes disciplines s’y ouvrent (lire encadré). Titulaire d’un diplôme universitaire « hypnose et anesthésie » obtenu au Kremlin-Bicêtre, Agnès Jennat intervient en chirurgie, en pédiatrie et en maternité. Elle souhaitait « apporter une véritable détente au patient, pas juste de la bienveillance ». Avant l’intervention, elle demande à Philippe Weber de lui confier le souvenir d’un moment ou d’un lieu agréable. « En fonction de la personne, cela peut être des vacances sur une plage, une balade à vélo... Pendant l’intervention, j’accompagne le patient dans ce lieu, je l’aide à s’en souvenir en faisant travailler ses cinq sens. »
C’est debout, calme et dans un état concentré que Philippe Weber rejoint le bloc et s’installe sur la table d’opération sur le ventre. Agnès s’assied à côté de sa tête et lui parle tout doucement - « vos muscles se détendent... » - tout en vérifiant les autres paramètres médicaux. Le Dr Pascale Thomas, fait son entrée dans le bloc avec un interne et une infirmière. L’opération débute, avec une parfaite synchronisation entre la chirurgienne et l’infirmière anesthésiste qui continue de murmurer à l’oreille du patient. « Vous êtes confortable, vous passez un moment agréable », chuchote-t-elle.
Dans le bloc, le silence est quasi religieux. Personne ne parle. La chirurgienne s’occupe des varices. Philippe Weber ne bouge pas, ne gémit pas. Il sait que s’il le souhaite, un geste suffit pour demander une sédation plus importante.
Pour Pascale Thomas, comme pour Agnès Jennat, les avantages de l’hypnose sont nombreux : « c’est le jour et la nuit entre l’hypnose et l’anesthésie générale. Avec l’hypnosédation, la récupération est nettement plus rapide pour le patient et on évite l’éventualité d’un choc anesthésique. Cela aide aussi à rendre l’intervention moins stressante et cela humanise le soin, y compris pour les soignants ». La chirurgienne estime que depuis 2017, sur les cent cinquante patients opérés des varices dans le service de chirurgie vasculaire dirigé par le Dr Didier Plissonnier, 18 % ont été hypnosédatés. Le nombre est en constante augmentation et la chirurgienne présentera cette technique à l’occasion de la Journée de lutte contre la douleur, le 5 juin prochain au CHU de Rouen.
Après l’intervention chirurgicale, Agnès Jennat reste un moment avec le patient. « Quand je leur demande s’ils ont passé un bon moment, ils sourient. J’ai la réponse ».
Une implication multidisciplinaire
Aujourd’hui au CHU de Rouen, quatre médecins et deux infirmières assurent les consultations d’apprentissage de l’auto-hypnose au centre d’évaluation et de traitement de la douleur.Depuis plus de quinze ans, l’hypnose est utilisée au sein de l’unité du sommeil. Les équipes médicales indiquent que l’hypnose « calme » en rhumatologie, qu’elle « soulage en addictologie » et physiologie digestive, urinaire et respiratoire. Elle « apaise » en bronchoscopie pulmonaire.Une équipe multiprofessionnelle utilise l’hypnose en salle de réveil. Au bloc opératoire, pour les adultes et les enfants, mais aussi en chirurgie ambulatoire (cataracte, chirurgie de l’oreille, chambre implantable). Aujourd’hui, c’est aussi le cas pour la chirurgie des varices.Se préparer à l’interventionAu lit du patient, en hospitalisation mais aussi en réanimation, les soignants peuvent utiliser l’hypnose, que l’on peut aussi pratiquer dans le camion du Samu, ou enfin, en IRM, pour les patients claustrophobes.Depuis deux ans, le CHU de Rouen propose à tous les patients particulièrement anxieux à l’idée d’être opérés ou hospitalisés, une consultation spéciale. Tous les vendredis des semaines paires, les infirmiers anesthésistes Florentine Rousselin, Agnès Jennat et Renaud Ferchichi, et le Dr Delphine Provost, permettent aux patients de se préparer à l’intervention grâce à l’hypnose.Au pavillon « femme mère enfant », des psychologues, sages-femmes, médecins, anesthésistes, addictologues, infirmières et aides-soignants se sont formés à l’hypnose pour soulager les patients, quel que soit leur âge.
Source : paris-normandie.fr article de Patricia Buffet le 29 mai 2018
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